Article tiré du Petit Journal du 8 avril 1911 :
J'imagine que, ces jours derniers, en lisant dans les journaux que le Conseil municipal venait de voter une somme de dix mille francs pour donner des revolvers aux agents de la Sûreté, une foule de gens ont dû s'écrier :
— Ils n'en avaient donc pas ?...
Non, ils n'en avaient pas... Ou, s'ils en avaient, ils devaient les payer de leur poche. Et encore, dans ce dernier cas, étaient-ils en contravention avec un vieux règlement qui leur interdisait formellement de se servir d'une arme quelconque, même en cas de violences graves de la part des malfaiteurs.
Vous savez bien que, de tout temps, chez nous, les pouvoirs publics n'osèrent témoigner quelque sollicitude à la police. L'absurde préjugé qui pèse sur l'institution la plus utile à la sécurité sociale est un préjugé de ce pays-ci. Il fut un temps où, au Conseil municipal, on repoussait sans examen toute proposition concernant la police, tout projet relatif à l'amélioration du sort des agents.
Pour combattre ce parti-pris,il ne fallut pas moins que le sacrifice de tant de victimes du devoir dans la lutte entre la police et les apaches.
On s'aperçut enfin que ceux qui défendent la société valent mieux, tout de même, que ceux qui l'attaquent, et que la vie d'un agent est plus précieuse que celle d'un malfaiteur.
Dorénavant, nos policiers ont le droit d'user de leurs armes en cas de légitime défense. Voici même que nous empruntons à l'étranger, en matière policière, ses méthodes énergiques.
Un de ces derniers soirs, au Faubourg Montmartre, une descente eut lieu dans un bar d'apaches. Les agents entrèrent revolver au poing et le commissaire qui les conduisait cria comme on le fait en Amérique : "Haut les mains !"
Pas un malfaiteur ne tenta la moindre résistance. C'est la bonne façon. L'audace des gredins ne fut jamais faite que-de la faiblesse de la police. Il faut donc faire que celle-ci soit forte. Il faut la vouloir également respectée, en raison des services qu'elle rend.
Le préjugé contre la police est funeste à la tranquillité sociale, il est absurde par surcroît. Tout homme de bon sens ne peut avoir qu'estime et reconnaissance pour ceux qui veillent sur sa sécurité. Quiconque se fait l'écho des vieux outrages contre les "flics", les "cognes", la "rousse", ne peut être qu'un malfaiteur, un anarchiste ou un sot.
Jean Lecoq.