La Bande des "Cinq points de la Courtille"

Posted by Jeremy T on

"Cinq points de la Courtille" arrêtés à Charonne

LES EXPLOITS D'UN CHIEN POLICIER

Paris, 18. — Tout le monde se souvient de la fameuse « bande de Charonne et de Mon-treuil », qui avait pour chef un sieur Guyot, dit Milo, et qui sema la .terreur dans le quartier,. La bande capturée, en 1908, après le meurtre du cordonnier Becker, fut envoyée au bagne.

Pendant quelques mois, les habitants de Charonne furent tranquilles ; mais ce calme n'était qu'apparent. La bande de Montreuil avait laissé de fervents élèves, qui se réunirent de nouveau et prirent pour chef un digne émule die Guyot, le sieur Soupault, dit « Bamboula la Terreur », espèce de romanichel, dont les instincts sanguinaires égalaient ceux de son prédécesseur. Ces malfaiteurs baptisèrent leur nouvelle association « bande des Cinq Points de la Courtille ». Ce nom fut choisi parce que chacun de ceux qui la composaient portait, comme signe de reconnaissance, cinq points tatoués sur la main gauche, entre le pouce et l'index. En outre, au même endroit, sur la main droite, ils avaient inscrit l'initiale de leur nom de famille.

LE BAR DES APACHES

Voici maintenant comment s'est opérée leur arrestation :

M. Lardanchet, commissaire de police du quartier de Charonne. recevait la plainte d'un sieur Edmond Bivon, qui menacé par les revolvers de ses agresseurs, ne dut son salut qu'à son énergique résistance. M. Lardanchet mit en campagne les inspecteurs d)e la Sûreté Au-gène et Bezuchet, sachant que seuls, ces derniers, connaissant tous les membres de la trop fameuse bande, pourraient en ' exécuter la dangereuse capture.

Les deux habiles policiers se mirent à la poursuite des malfaiteurs et apprirent bientôt qu'ils se réunissaient, chaque soir, dans un café-bar qui porte comme enseigne : « A la mesure », et qui est situé à l'angle de la rue des Pyrénées et de la rue du Volga.

Depuis longtemps, en effet, les locataires des immeubles voisins de cet établissement se plaignaient du tapage fait par les apaches, en compagnie de fillettes de quatorze à quinze ans, débauchées et terrorisées par leurs menaces.

De plus, le local avait eu surtout l'heur de plaire aux bandits parce qu'il avait le précieux avantage de posséder deux issues, ce qui permettait aux apaches de fuir à la moindre alarme.

Déjà, ils avaient pu se dérober ainsi à la justice, mais hier leur calcul fut déjoué par les policiers.

LES EXPLOITS DE « BALLON »

Ceux-ci établirent une souricière à la sorti,e du bar, et cueillirent les apaches au fur et à mesure de leur sortie. Ils eurent bientôt passé le cabriolet aux poignets de Pierre Gaston dit "Toto", Maurice Klein dit « le Rouquin » ou "Zizi", Albert Mussat dit "Bébert", Gustave Langlen dit « Glanglan » un pupille, paraît-il, de l'ancienne bande Leca et Manda, et Joseph Hauch.

Restait le chef de la bande, un pâle voyou de dix-sept ans, Eugène Soupault, dit Bamboula la Terreur. Il allait s'échapper, quand soudain, le chien policier « Ballon », qui accompagnait les agents, le happa par le fond de sa culotte, alors qu'il allait disparaître derrière un mur et l'immobilisa. Pou récompenser le brave animal, on lui confia la garde du malandrin. Ce ne fut d'ailleurs pas inutile, car à l'arrivée au poste, Bamboula, donnant un brusque croc-en-jambes à l'un des agents qui l'accompagnaient, allait de nouveau prendre la fuite, lorsque "Ballon", lui sautant à la tête, lui planta sans façon ses crocs dans l'oreille.

Continuant leurs recherches dans les bars mal famés du quartier, les inspecteurs de la Sûreté ont opéré hier soit quatre nouvelles arrestations, celles d'Eugène Godard dit Binocle, Lucien Delnesti dit le Grand Luluce, Emile Chapuy dit Mimile et enfin l'Egérie de la bande, Marthe Charlus, qui n'a pas quinze ans et qui seule fut laissée en liberté provisoire.

Tout ce joli monde, qui vit de prostitution, de vols à main armée, de cambriolages, et dont le plus âgé a vingt ans à peine, a été trouvé porteur de couteaux à cran d'arrêt, de revolvers et d'une correspondance suggestive avec des parents ou amis dont la plupart sont dans les prisons centrales, aux bataillons d'Afrique ou à l'étranger.

 

Journal : Le Grand écho du Nord de la France
Du 20 septembre 1909