7 août 1886 - La bande de la Villette

Posted by Jeremy T on

La bande de La Villette

La bande de la Villette. 

"Le procès de la bande de la Villette, commencé il y a quinze jours, vient de se terminer après de longs et peu édifiants débats. Cette bande se composait, nous l'avons dit, de vingt et un accusés, presque tous adolescents, ayant à leur charge d'innombrables délits; deux ont été condamnés aux travaux forcés.

 

Le jury avait à répondre à mille quatre cent quatre-vingt deux questions, composant le dossier de ces vingt et un coquins; et l'on en a entendu de drôles au cours des débats. Ces malheureux, insolents, cyniques fanfarons, se faisant honneur de leurs crimes, ont donné le plus affligeant, le plus repoussant spectacle. 

 

Ils sont les tristes échantillons d'une génération de malfaiteurs qui pousse; tous ces êtres honteux, pourris de vices, suant le crime, une fois libérés, rentrant dans la société; nous paraissent voués à l'échafaud.

 

Le vol n'est déjà plus qu'un enfantillage pour ces jeunes misérables. Loisel, le principal accusé, en avait cent quarante à son actif, et à lui tout seul. Il s'en vante, il s'en fait gloire. Il répond au président avec l'impudence de Robert Macaire ; il est railleur, gouailleur, il interpelle les témoins et les fait poser.

 

Il a reproché à un marchand de vin, dont il avait dévalisé la cave, la mauvaise qualité de sa marchandise : « C'était bouché comme du Champagne, dit-il, mais, pouah ! j'ai été malade pendant quatre jours pour en avoir bu. »

 

Maupetit, le digne lieutenant de Loisel, condamné déjà à douze ans de travaux forcés, est un homme entendu. Voulant retarder sa condamnation, il s'est accusé de sept nouveaux vols qu'il a reniés plus tard ; mais-sept de plus ou de moins pour un pareil gaillard !

 

De plus, il discute avec clarté toutes les circonstances de ses méfaits; il a même donné une leçon au président, à propos d'une question d'effraction : « Je m'y connais mieux que vous, s'est-il écrié, puisque je suis serrurier. » Le président a dû s'incliner devant la haute compétence de Maupetit.

 

Un autre, Henri Canton, dit Têtard, s'est indigné de ne se voir attribuer que soixante-dix-huit vols, ayant le droit d'en revendiquer deux cent quarante. Ce Canton, dit Têtard, est un hardi compère, et il eut la chance d'échapper un jour, dans une « expédition » à Pantin, aux suites d'une balle de revolver qu'il reçut dans la joue et qu'il eut l'audace et le bonheur de faire extirper à l'hôpital, sous prétexte d'un accident. Il échappa ce jour-là, mais on a fini par le prendre.

 

Deux jolis types encore, Pommier et Périchon, tous deux condamnés ensemble à dix ans de travaux forcés.

« Vous en souvenez-vous? demande le président.

— Heu! heu ! » pondent nos drôles.

Ce sont là des choses qui ne valent pas la peine qu'on les garde dans sa mémoire, après tout, c'est bien possible.

Périchon ayant forcé la devanture d'un marchand de vin, et ne trouvant que trente-cinq sous dans la caisse, exprimé au volé son mépris en lui laissant un billet contenant ces mots aussi simples qu'expressifs : « Vous êtes un rapiat. »

 

L'un des accusés, invité par le garde à se reculer un peu, lui adresse cette apostrophe :

« Dites donc, je vais vous casser la gueule, vous savez... et ce ne sera pas long. »

Heureusement pour le garde, ou plutôt peut-être pour ce voleur mal élevé, la forfanterie n'a pas eu de suite.

 

En vertu du verdict du jury, Loisel, Maupetit, Pommier, Périchon, Canton, Petit-Dêmange, Méliodon, Goubeau, Riboulé et Strauss ont été condamnés, sans circonstances atténuantes, à des peines variant de vingt ans à cinq ans dé travaux forcés.

 

Quatre autres, bénéficiant d'une atténuation, ont six et cinq ans de réclusion, et tous vingt ans d'interdiction de séjour dans les lieux qui seront ultérieurement désignés. Une fille Strauss, receleuse, fera trois ans de prison. Les six derniers, parmi lesquels les deux autres femmes accusées, ont été acquittés."

 

Journal : L'Univers illustré : journal hebdomadaire

Publication date : 1886-08-07

Source : Bibliothèque nationale de France