25 août 1902 - Paris aux Apaches

Posted by Jeremy T on

Paris aux Apaches

Paris aux "Apaches"

Ménilmontant contre Montparnasse. — La vérité sur l'affaire des Halles. — Scènes de meurtre et d'assassinat. — Le bilan d'hier.

 

Nous finirons par savoir tout. La mort tragique du « Bicot de Montparnasse », chef de la bande de ce quartier, assassiné dans les circonstances que le Journal a longuement relatées, avait, certes, un mobile et l'événement, on s'en doutait un peu, a eu, naturellement un grand retentissement de chaque côté de la Seine..

 

Nous avons reçu ici, d'une personne sans doute bien placée pour savoir le fond des choses, une lettre qui en dit plus que tout ce que les policiers avaient pu recueillir à la suite de l'assassinat de la rue Mauconseil.

 

Nous nous étions bien gardé d'en révéler les termes, mais, la préfecture ayant été avisée presque en même temps, ainsi qu'on le verra plus loin, il n'y a plus de raison pour que nous ne publiions point ce document dans sa forme originale :

 

« :  Je me permets, écrit notre correspondante, de vous donnait quelques renseignements au sujet de la présence des « Apaches » aux Halles.

 

Depuis huit jours, cela devait arriver. Il y avait rendez-vous à la sortie du bal (X.), où il devait y avoir une fusillade en règle entre des « Montsouris », "Le Temple" et « Le Latin ».

 

Déjà, plus de soixante de ces ignobles individus, tous armés, attendait la sortie du bal pour se battre ; les ennemis était le "Latin" et « La Temple ». 

 

Une « môme » de « Montparno » avait été enlever par un souteneur du « Temple.

Voilà le motif.

Ceci n'ai pas près de finir : il s'en trame encore bien d'autres pour d'ici une huitaine de jours. La bande est dirigée par « Chichile de la Bastoche » et la femme enlever appartient à « Qodart » de « Montparno. »

 

Nous arrêtons là cette suggestive communication qui nous ramène aux beaux jours de la lutte des « Apaches » de Belleville contre ceux de Charonne, à la suite de l'enlèvement de « Casque d'Or» par Leca au tristement célèbre Pleigneur dit "Manda".

 

La police sur pied

 

La terrible fusillade à laquelle il est fait allusion plus haut, devait avoir lieu sur les hauteurs du boulevard Saint-Michel, entre minuit et une heure du matin. Mais, samedi, dès trois heures de l'après-midi, l'officier de paix du cinquième arrondissement, M. Fauvel, était informé par un mystérieux correspondant des événements qui se préparaient autour de la Sorbonne.

 

Les « Apaches » du Temple avaient appelé à leur aide ceux de Belleville et de Ménilmontant. La paix est faite entre ces deux derniers clans de bandits, qui, depuis l'arrestation de leurs chefs Manda et Leca, suivie de celle de « Casque d'Or» ont tous eu affaire plus ou moins au petit Parquet.

 

M. Fauvel apprenait donc que les deux bandes devaient se rencontrer à minuit et demi. Il demanda aussitôt le concours de la brigade mobile, en même temps qu'il réquisitionnait tous les agents dont il pouvait disposer : îlotiers, agents en bourgeois, inspecteurs, etc.

 

Toutes ces forces de police furent disséminées aux abords du lieu désigné pour la rencontre des « Apaches » : boulevard Saint-Michel, rue d'Assas, avenue de l'Observatoire, rue Denfert-Rochereau. Outre qu'ils étaient armés de leurs revolvers d'ordonnance, presque tous les agents s'étaient munis également de soldes gourdins dont ils auraient fait bon usage, avant d'en arriver aux moyens plus meurtriers.

 

Service en campagne

 

Mais la police, qui sait cependant tout prévoir, selon les instructions de son chef, M.Lépine, avait compté sans la prudence habituelle des « Apaches ». Ceux-ci justifiant ainsi leur titre de guerre, n'opèrent, on l'a vu maintes fois, qu'avec d'extrêmes précautions.

 

Vers minuit, en effet, les policiers virent arriver par le boulevard Saint-Michel, les « éclaireurs » de la bande ; ils étaient échelonnés en sept ou huit groupes de quatre ou cinq individus, se suivant à une vingtaine de mètres, afin de ne point trop éveiller l'attention. Ils marchaient tranquillement, les mains dans les poches, en se dandinant.

 

Mais leur arrivée fut bientôt signalée à l'officier de paix, qui fit redoubler de surveillance ; les « éclaireurs » se sentant « brûlés », se replièrent rapidement, mais pas assez tôt cependant, car les agents purent apercevoir le gros de la troupe qui arrivait par le quai aux Fleurs. C'étaient cette fois les « Apaches » de Belleville !

De rapides conciliabules eurent lieu entre les avant-postes et le gros de la troupe.

"On avait été « mangé » par les « casseroles » ; de plus, la lumière électrique de la place de l'Observatoire eût gêné les Apaches, qui avaient cru avoir à « travailler » en un lieu plus sombre et plus désert ».

Bref, tous les bandits, au nombre d'une centaine environ, s'éclipsèrent rapidement par les petites rues du quartier Latin où M. Fauvel leur fit donner la chasse, sans cependant qu'on en arrêtât aucun.

La « bande de Montparnasse », animée des mêmes intentions de représailles, depuis la mort de son chef le "Bicot", se replia sur les hauteurs de la rive gauche, et c'est ainsi que, grâce à la présence d'esprit de l'officier de paix du cinquième arrondissement, les tragiques bagarres que l'on redoutait furent évitées."

 

 

Titre : Le Journal

Date de Publication : 1902-08-25

Directeur de publication : Xau, Fernand (1852-1899). 

Source : Bibliothèque nationale de France