23 juin 1907 - Le Crime de Saint-Ouen

Posted by Jeremy T on

 Le Crime de Saint-Ouen

LE CRIME DE SAINT OUEN

"Georges, dit « Bibi », est assommé, lardé de coups de couteau et égorgé par des apaches encore inconnus.

Dans le fossé des fortifications qui longs l'hôpital Bichat, en bordure de Saint-Ouen, on a trouvé, hier à l'aube, le cadavre d'un chiffonnier, Alphonse Georges dit « Bibi"âgé de quarante et un ans ; le malheureux n'avait pas reçu moins de dix-sept coups de couteau, et ses assassins, après l'avoir de plus assommé à coups de marteau, l'avaient achevé en lui tranchant la gorge à la jugulaire gauche.

 

Quand le douanier Richaud, de la porta de Saint-Ouen, découvrit cet affreux spectacle, un chien griffon léchait les plaies du mort, qui gisait sur le dos les bras en croix, la tête en une bouillie informe. C'est grâce à l'arrivée d'autres chiffonniers de l« plaine des Malassis » que l'identité d'Alphonse Georges put être rapidement établie.

 

Georges habitait depuis dix-sept ans au numéro 13 de la rue des Coutures, à Saint-Ouen, dans une vaste propriété que lui avait laissée son père en mourant ; il jouissait de 1,200 francs de rentes, versées tous les trois mois par un notaire d'Avallon, et menait, dit-on, joyeuse vie. Ancien brigadier d'artillerie à Laon, il avait eu de son union légitimée depuis six semaines seulement, avec Pauline Thibaut, trente cinq ans, originaire de la Bourgogne trois enfants dont l'aîné, un garçon, vient d'atteindre sa onzième année ; les deux autres sont des jumeaux de six ans.

 

Le ménage Georges n'était pas des plus unis. « Bibi », qui avait cheval et voiture « chiffonnait» tous les matins sur la place Vintimille, tandis que sa femme allait en « matinée » sur la place Clichy.

 

L'homme dépensait de quatre à cinq francs par jour en frais de cabaret ; il cultivait le billard et s'adonnait à l'alcoolisme à tel point qu'on dut un beau jour le conduire à l'asile d'aliénés de Ville-Evrard, où il resta enfermé trois mois.

 

Avant de quitter son logement de la rue des Coutures, vendredi à onze heures du matin, « Bibi » avait vendu ou mis au Mont de Piété les objets les plus précieux de son mobilier : pendule, machine à coudre, chaîne et montre en or appartenant à sa femme.

Depuis, on l'avait vu en compagnie de quelques individus : ils allaient de café en café et paraissaient avoir bu plus que de raison.

 

Comme les poches de la victime étaient retournées, on présume que ses assassine n'ont tué « Bibi » que pour le dévaliser. On a cependant retrouvé dans l'herbe, à un mètre du cadavre, une somme de 4 fr. 95, que M. Dupuis, commissaire de police du quartier des Grandes-Carrières, saisi de cette affaire, a restituée à Mme Georges.

 

Celle-ci accuse nettement une bande d'apaches de Saint-Ouen d'avoir fait le coup.

— Ils en ont déjà tué trois, dit-elle, et mon pauvre « Bibi » n'est pas le dernier.

M. Astron, juge d'instruction, a fait transporter le corps à la morgue et a chargé M. le docteur Balthazard, médecin légiste, d'en faire l'autopsie. Plusieurs inspecteurs du service de la Sûreté s'occupent de rechercher les derniers compagnons de tête du malheureux chiffonnier, et dont l'un, d'après certains témoins, était porteur d'un marteau."

 

Extrait : Le Journal

Date de Publication : 1907-06-23 

Auteur : Arthur Dupin

Source : Bibliothèque nationale de France