LA BANDE DE BELLEVILLE
"Entrepreneur de travaux, rue du Faubourg du Temple, a été victime, il y a quelques jours, d'un vol de 103 kilogrammes de plomb en rouleaux.
Ses soupçons se portèrent sur deux ouvriers zingueurs dont il donna le signalement à M. Joyeux, commissaire de police, qui les fit rechercher aussitôt.
Avant-hier soir, un agent aperçut les deux zingueurs se glissant dans un terrain vague de l'Avenue Parmentier. M. Joyeux, pensant que ce devait être le lieu de rendez-vous d'une bande de voleurs, s'y rendit avec une dizaine d'agents, qui pénétrèrent dans le terrain vague, pendant que d'autres en gardaient l'issue donnant sur l'avenue.
Sept individus y furent capturés, parmi lesquels se trouvaient les deux zingueurs qui avaient autrefois travaillé dans le chantier de M. V.
Tous ces individus, des repris de justice, ont été écroués au Dépôt, et sur les indications des deux zingueurs, deux brocanteurs qui avaient acheté les rouleaux de plomb ont dû être arrêtés hier matin.
Après cette capture, M. Joyeux, escorté d'agents, s'est rendu passage des Couronnes, à Belleville, dans un bouge où se réunissait, vers une heure du matin, une bande de malfaiteurs de la plus dangereuse espèce, dont la spécialité était de dévaliser pendant la nuit à l'aide d'escalade et d'effraction, les commerçants du quartier du Faubourg du Temple et de Belleville.
Un agent de la sûreté, qui filait un individu, l'avait vu entrer, la veille, dans ce bouge et en avait étudié les allées et venues des habitués.
M.Joyeux, ayant fait garder toutes les issues du passage des Couronnes par des gardiens de la paix et des agents; arrêta successivement vingt-deux individus faisant partie de la bande de Belleville.
Cette capture importante n'a pu être opérée sans de grandes difficultés, car les malfaiteurs, s'étant cachés et retranchés dans la maison, ont opposé, les uns après les autres, une vive résistance.
Ils ont été écroués au Dépôt, où les attendaient les sept voleurs arrêtés Avenue Parmentier. Sur chacun des malfaiteurs, on a trouvé des fausses clefs et des pinces-monseigneur.
Leur manière d'opérer était très pratique : ils descendaient dans Paris par groupe de quatre, et se rendaient dans les rues, où ils étudiaient les habitudes des boutiquiers et de leurs employés, dont ils avaient l'intention de dévaliser les magasins. Deux d'entre eux faisaient le guet pendant que les deux autres pénétraient dans le magasin.
Dès que les deux guetteurs voyaient arriver quelqu'un, ils se approchaient de la boutique dans laquelle s'étaient introduits leurs complices et affectaient de parler haut; ils avertissaient ainsi ceux qui étaient, dedans de ne point sortir.
La bande de Belleville agissait sous les ordres d'un Italien, nommé Antonini, qui avait réussi à s'évader des prisons de son pays, où il avait été condamne pour vols à main armée. Cet individu avait été sur le point d'être arrêté il y a un mois dans un garni de Romainville, mais, doué d'une force herculéenne, il renversa les agents et se sauva sans qu'on ait pu retrouver ses traces.
Depuis son arrivée à Paris,, et d'après ses propres aveux, Antonini aurait commis, avec sa bande, plus de deux cents vols."
Journal : Le Petit journal
Auteur du texte : Parti social français.
Source : Bibliothèque nationale de France
