19 janvier 1903 - Montmartre VS Saint-Ouen

Posted by Jeremy T on

Exploits d'apaches

EXPLOITS D'APACHES

Terrible bagarre boulevard Ney. - Les « Apaches » de Montmartre et les "Tatoués" de Saint-Ouen. — Quatre blessés. — L'enquête.

"Montmartre n'a plus rien à envier à Charonne et à Ménilmontant, rendus si célèbres depuis tantôt un an par les exploits des Leca, des Manda et tutti quanti. Dans le monde spécial des pierreuses, les succès de et Casque d'Or » font rêver jusqu'à la plus vieille, jusqu'à la plus laide.

 

Aussi, ces dames ne cessent-elles de harceler leurs hommes pour qu'ils prennent leur défense, et, quand l'une d'elles change de seigneur et maître, elles ne sont heureuses que lorsque des horions, des coups de couteau ou de revolver ont été échangés en leur honneur.

 

C'est, en effet, pour une « belle », que, la nuit dernière, vers deux heures du matin, deux bandes de malandrins — les Apaches de Montmartre et les Tatoués de Saint-Ouen — se rencontraient, sur le boulevard Ney, aux Epinettes.

 

Les troupes ennemies échangèrent tout d'abord une série de coups de revolver et, les munitions épuisées, ils allaient s'attaquer à l'arme blanche, quand l'arrivée inopinée des gardiens de la paix fit prendre la fuite aux belligérants.

 

Les agents se lancèrent à leur poursuite et arrêtèrent un des fuyards, le nommé Emile Lidy, âgé de vingt-cinq ans, demeurant rue Latérale, à Saint-Ouen, qui était atteint d'un coup de feu au flanc. Après s'être assuré de sa personne, les agents, continuant leurs recherches, relevèrent, quelques pas plus loin, une fille soumise, qui gisait sur le sol, gémissant. La malheureuse avait reçu une balle dans la jambe gauche. Enfin, ils aperçurent, courant sur les glacis des fortifications, une bande d'individus portant dans leurs bras deux de leurs camarades, qui étalent gravement blessés, à en juger par les traces de sang que l'on remarquait sur leur passage.

Ls deux blessés furent alors conduits à l'hôpital Bicbat.

C'est là que M. Carpin, commissaire de police de Clignancourt, est allé les interroger. Emile Lidy ne fit que des réponses évasives, mais la fille, une nommée Marguerite Gattot, âgée de vingt-deux- ans, demeurant rue Raspail, à Saint-Ouen, déclara au magistrat qu'elle était la cause de la rixe qui avait eu lieu dans là nuit.

 

Il y a quelque temps, elle avait abandonné son amant, chef du clan des Tatoués de Saint-Ouen, pour suivre un ami de celui-ci, de la bande des Apaches de Montmartre : d'où colère du délaissé qui ne rêva plus que de tirer une vengeance éclatante de son rival.

Un cartel fut donc envoyé, et rendez-vous fut pris pour la nuit dernière.

A l'heure dite, tout le monde était à son poste et la bataille commençait.

Marguerite Gattot ajouta qu'elle avait reconnu parmi les combattants un nommé Sergent, dit la "Tringle", souteneur et repris de justice dangereux, et que c'était lui qui avait tiré les trois premiers coups de feu, dont deux avaient atteint au ventre un des individus que les agents avaient vu emmener. Le second était Sergent lui-même, blessé de la même façon.

 

Elle a refusé de faire connaître le domicile de Sergent : mais, comme celui-ci est connu, il ne tardera pas à être arrêté, ainsi que ses complices et ses adversaires. M. Carpin poursuit activement son enquête."

 

Journal : Le Journal

Date de Publication : 1903-01-19

Directeur de publication : Xau, Fernand (1852-1899). 

Source : Bibliothèque nationale de France