18 juillet 1886 - La Bande de La Villette

Posted by Jeremy T on

La Bande de La Villette

La Bande de La Villette

"La salle des pas perdus et les couloirs du palais, du côté de la place Dauphine notamment, avaient hier une animation inusitée et toute différente de celle qu'on remarque aux grandes causes.

 

Point de dames en brillantes toilettes, venues là pour palpiter d'effroi et chercher des émotions fortes en contemplant  avec horreur bien entendu- le héros criminel du jour.

Mais une foule de gens endimanchés, hommes et femmes de toutes les classes de la société, commerçants, ouvriers et propriétaires.

 

Ce sont les témoins et, pour la plupart, les victimes de la bande de la Villette, plus connue dans le monde des malfaiteurs sous le nom de bande Loisel.

 

Ils se répandent par bandes dans les corridors et les salles d'attente, se casant comme ils peuvent, car si vaste que soit le domaine de la cour d'assises, il peut à peine les contenir — à portée de voix de l'huissier, s'entend. lis sont au nombre de trois cent-sept (je dis 307 !).

Quand nous pénétrons dans la salle, un spectacle non moins curieux nous y attend. Nous nous dirigeons vers les bancs réservés à la presse judiciaire, et là. nous sommes obliges de battre en retraite. Toutes nos places sont occupées, et par qui ? par les prévenus et les municipaux qui les gardent.

Dix-neuf accusés, trois accusées et le double de gendarmes.

L'acte d'accusation fournit 138 pages de texte très compactes. Les chefs d'accusation sont au nombre de 24.

 

Les faits dont ces 22 individus vont avoir à répondre consistent en vols, avec ou sans effraction, à l'aide de fausses clefs, le jour et la nuit, dans des maisons habitées, avec accompagnement d'armes prohibées, de fausses clefs et de tout l'arsenal des parfaits détrousseurs de grands chemins.

 

MM. les jurés de la Seine semblent assez embarrassés en examinant la longue série de méfaits sur lesquels ils vont avoir à se prononcer. Et, en vérité, nous ne savons comment ils pourront s'en tirer et répondre aux quinze cents questions qui leur seront posées à la fin des débats. 

Cette affaire, de proportions colossales, n'excitera d'ailleurs qu'un médiocre intérêt.

 

Ces voleurs sont d'une banalité qui laisse bien peu à tondre pour le chroniqueur.

Nous nous bornerons donc chaque jour à résumer les petits pas faits péniblement par l'accusation. Voici, des aujourd'hui, ses noms des 22 accusés dont la plupart sont récidivistes :

Ce sont : Loisel, Sexte, Gachet, Stauss, fille Stauss, Jeaiizac, Kreff, Bauer, Blanchet, Wantz, Canton, Pommier, Périchon, Petit, Demange, Méliodon, Chantard, Soron, Goubeau, Maupetit, Riboulet, femme Couderc née Catherine Martin, Femme Bunier née Elisabeth Stauss.

Le premier des accusés, Loisel, est celui qui a joué le principal rôle dans les nombreux vols.

Sa bande se composait de quarante-cinq individus.

On voit qu'il en reste plus de la moitié en liberté et que le coup de filet de la police est des plus incomplets.

 

Loisel mettait la plus grande variété dans ses opérations. C'est ainsi qu'un jour lui et ses compagnons volent modestement deux lapins à Aubervilliers et que le lendemain ils se voient dans l'obligation de forcer, à Paris, la caisse de la veuve Thiébault et d'y prendre treize mille francs pour compenser les mauvaises journées.

 

La plupart des accusés déclarent qu'ils sont, de leur profession mécaniciens, charrons ou maçons.

— Votre domicile?

— Mazas, répondent les uns.

- Tazas, disent en riant les autres, familiarisés avec les à peu-près des prisons.

C'est M. l'avocat général Roullier qui soutiendra l'accusation. Une quinzaine d'avocats assistent les prévenus.

Au moment où commence l'interrogatoire de Loisel, qui porte un large bandeau sur les yeux, un vacarme épouvantable retentit au dehors, à la porte des témoins.

— Pan, pan, pan, ouvrez-nous.

- On étouffe ici.

- On s'ennuie.

- On demande l'huissier.

— Porte siveplait !

Président, huissier, agents, tout le monde est ahuri.

Il était si simple de donner congé à ces trois cent sept témoins jusqu'à demain. Il est bien évident qu'ils n'ont rien a faire aujourd'hui. sinon du tapage. Aussi s'en donnent-ils à cœur joie.

 

Loisel en même temps qu'il est le chef de la bande a été le dénonciateur de la plupart de ses complices.

C'est sur ses dénonciations qu'ils ont été presque tous arrêtes."

 

Journal : La Lanterne : journal politique quotidien

Date de Publication : 1886-07-18

Directeur de publication : Flachon, Victor. 

Source : Bibliothèque nationale de France