Les apaches de Montparnasse
"Trois jeunes malandrins affiliés à la bande du quartier Montparnasse, viennent de se faire prendre par la police en flagrant délit de vol et de vagabondage spécial.
Le premier, nommé Chataud, passait dans l'avenue du Maine, en quête d'un mauvais coup à faire, quand le corps d'un homme vint s'abattre sur le. trottoir, presque à ses pieds. C'était un employé, M. Moulon, qui, désireux d'en finir avec la vie, avait. imaginé de se jeter d'un cinquième étage. On fit cercle autour du moribond. Des agents arrivèrent. Chataud s'offrit à les guider dans leur enquête au domicile de M. Moulon. Pendant que les agents cherchaient lettres ou indications : propres à expliquer les. causes du drame, Chataud faisait main basse sur tous les objets de quelque valeur en évidence dans la chambre. Surpris par les agents dans cette besogne, il fut conduit au commissariat de police du quartier.
Là, il se trouva en présence d'un charmant garçon de ses amis nommé Marioni, arrêté pour vol à l'esbroufe. Mais voici où l'affaire se corse :
En perquisitionnant aux domiciles des deux chenapans, M. Peltier, remplaçant le commissaire de police en congé, découvrit chez Marioni une lettre dans laquelle le jeune drôle recommandait aux bons soins des souteneurs du quartier sa maîtresse, Berthe L... Dans le cas où il serait arrêta, un camarade prendrait possession de la jeune fille, qui continuerait à « travailler » pour la compte de la bande.
Suivait une liste des amis de Marioni. Prévenu de l'arrestation de Marioni et de Chataud, le nommé Marmoulet s'était rendu chez le premier et avait amené Berthe L... chez lui, rue Vercingétorix.
Or, la jeune Berthe, âgée de treize ans, est la fille, d'honorables commerçants de l'avenue du Maine. Marioni, assez joli garçon et fort entreprenant, l'avait enlevée à ses parents et obligée ensuite à se livrer à la prostitution. Les recherches faites par les époux L... et par le service spécial de la Sûreté pour retrouver l'enfant avaient été jusqu'ici infructueuses.
Des inspecteurs de police, mis sur la voie par la lettre trouvée chez Marioni, se rendirent rue Vercingétorix, au domicile de Marmoulet et découvrirent la fillette dans une mansarde sordide.
Lasse du honteux métier auquel l'avait contrainte Marioni et ses complices, Berthe L... suivit docilement les inspecteurs de la Sûreté qui la remirent à ses parents, tandis que Marmoulet allait rejoindre ses deux copains au Dépôt."
Journal : La Liberté
Date de Publication : 1907-08-13
Directeur de publication : Muller, Charles.
Source : Bibliothèque nationale de France