12 octobre 1906 - Paris livré aux Apaches

Posted by Jeremy T on

Paris livré aux Apaches

PARIS LIVRÉ AUX APACHES

La vendetta va continuer. — Une rafle à Belleville. — Nouvelle série d'agressions.

"Les apaches, nous l'avons dit, ont déterré le « tomahawk ». Partisans du « Dénicheur » et compagnons de « Luluce » préparent la vengeance des morts. Du côté de la bande de Montparnasse, c'est "Domino", ex-lieutenant de « Luluce », qui mène campagne. Cet individu a fait, hier, une courte apparition rue Coustou en brandissant la casquette de son chef infortuné, a juré que l'heure des représailles sanglantes était bien près de sonner. Ainsi, que le dieu de la guerre réserve la victoire à la bande de Montmartre ou à celle de Montparnasse, nous allons assister à  nouveaux combats entre rôdeurs.

 

On nous assure que, cette fois, la police veille, — comme dans la chanson.

 

En attendant, les gredins les plus sinistres dont s'écœure notre capitale continuent leurs exploits.

 

La nuit dernière, dans ce même quartier Montmartre, où l'émotion provoquée par les fusillades récentes est à peine calmée, deux filles : Louise Chaize, 18 ans, et Louise Hongalier, se sont publiquement battues au couteau pour les beaux yeux d'un souteneur dangereux.

 

Le destin fut contraire à Louise Hongalier, qui eut la poitrine trouée à deux reprises. Généreusement, on abandonna la malheureuse. Les agents la recueillirent quelques minutes plus tard et la conduisirent à Lariboisière.

 

Dans la matinée, Louise Chaize était arrêtée par des inspecteurs de la sûreté, à son domicile, avenue de Saint-Ouen.

Il semble que l'appel de la presse parisienne ait été entendu. Se serait-on finalement ému d'un état de choses devenu absolument intolérable ?

 

Au moment où la scène que nous signalons plus haut se produisait près du pont Caulaincourt, M. Boussard, commissaire de police de Belleville, faisait irruption, avec un certain nombre d'agents en bourgeois, au « poulailler » du théâtre de Belleville, et opérait une rafle importante.

 

Depuis un certain temps, les habitants du quartier se plaignaient vivement de ce que les entractes étaient trop souvent marqués de fusillades dont les passants attardés n'évitaient pas toujours les accidents occasionnels. Les commerçants se plaignaient, en outre, des déprédations nombreuses commises sur les devantures de leurs boutiques. Enfin la mesure prise la nuit dernière s'imposait à tous tes points de vue.

 

Elle fut pleinement justifiée par son résultat : sur trente individus arrêtés, quinze rôdeurs étaient équipés comme des Hurons. Les armes ont été saisies et leurs détenteurs expédiés au Dépôt. Ces derniers seront vraisemblablement relaxés dans le plus bref délai par le parquet. Peut-être même est-ce déjà chose faite, car le juge est désarmé par le législateur.

 

Une grave erreur serait de supposer que les exploits des rôdeurs tendent à se localiser sur certains points de Paris. Il n'est pas, nous l'avons dit, de quartiers sûrs, même le jour. A plus forte raison la nuit.

 

Aussi le nombre des agressions à main armée n'est-il en diminution nulle part. A l'angle de la rue Saint-Charles, et du boulevard de Grenelle, six bandits ont brusquement surgit la nuit dernière, devant M. Louis Parant, âgé de vingt-six ans, décorateur, qui regagnait tranquillement son domicile, rue Desaix. L'imprudent passant a été dévalisé et laissé pour mort. Au matin, il a été transporté par des agents à l'hôpital Boucicaut, où son état est jugé très grave.

 

A l'angle de la rue du Bac et du boulevard Saint-Germain, M. Louis Dumont, fruitier, était assommé et dévalisé par deux chenapans, amis d'une demoiselle Eugénie Mousset, dont le rôle social est d'arrêter les passants par des promesses perfides.

 

Enfin, et pour clore cette liste bien incomplète. signalons un combat singulier qui eut lieu, à trois heures de l'après-midi, hier, rue du Chemin-Vert, entre deux malandrins, Auguste Billard, seize ans, et Marcel Dubreuil, quatorze ans. Ce dernier, qui avait gratifié son adversaire de deux coups de couteau, a été arrêté et mis à la disposition de M. Boequet, commissaire de police.

De l'avis général, il serait grand temps d'intervenir utilement."

MELCHIOR BONIR.

 

Journal : Messidor : informations du monde entier

Date de Publication : 1906-10-12

Directeur de publication : Gérault-Richard (1860-1911). 

Source : Bibliothèque nationale de France