LA BANDE DE MONTMARTRE
"Je ne sais plus qui me racontait qu'un jour, —il y a cinq ou six mois - M. Voisin, préfet de police disait triomphalement à un directeur de journal : «Votre rédacteur, M. X. invente des bandes de voleurs comme s'il en pleuvait. Or, il n'y a jamais eu de bandes de voleurs. A Paris, il n'y en a pas,, il ne peut pas y en avoir. »
Or, quelques semaines plus tard, la cour d'assises envoyait aux travaux forcés une quarantaine de Keipp, Simon et autres voleurs de bas étage.
Aujourd'hui, dans la capitale, au salut de laquelle veille toujours M. Voisin, on annonce l'arrestation d'une bande nouvelle. Ce sont des faux-monnayeurs. Sont-ils des faux-monnayeurs réels ou des ombres de faux-monnayeurs ? Nous le demandons à M. l'impeccable préfet de police.
Le 18 avril dernier, la police arrêtait, dans un quartier excentrique de Paris, un jeune homme de vingt ans, Camille Besserta, pour, vol de divers effets. Une perquisition opéré dans la chambre qu'il occupait avenue du cimetière du Nord, n°4, amena la découverte d'un certain nombre de pièces do monnaie de billon anglaise, blanchies au mercure. Des pièces de cinq centimes, on faisait un franc. Au bout de trois semaines, Besserta se décida à des aveux relativement à la falsification et à l'émission des monnaies.
Avant-hier, à sept heures du matin, les agents de M Jacob arrêtaient-successivement une fille Clémentine Giraud, fleuriste, 4, avenue du Cimetière-du-Nord; Raoul Sicler, comptable, 17 ans, 72, rue des Martyrs, et trois autres individus dans des hôtels des rues des Abbesses et Durantin. Restait le chef de la bande, un nommé Jules Aubry garçon de restaurant sans emploi.
Ces malfaiteurs sont des ouvriers pIombiers qui ont fait connaissance au bal de la Reine Blanche. C'est là que l'association avait pris naissance. Ils habitaient, à cette époque, tous ensemble dans un hôtel, rue Lepic; plus tard ils s'étaient séparés pour détourner les soupçons. C'est chez la fille Giraud, avenue du Cimetière-du-Nord, que les alliés se donnaient rendez-vous.
Il n'y a pas d'ailleurs que la bande de Montmartre. Il y a la bande de Bercy; une série de filous qui exploitaient Bercy et la gare d'Ivry vient de tomber entra les mains de la police.
On s'était aperçu que des vols nombreux se commettaient chez les bijoutiers de la rue de Rambuteau ; on y posta des agents.
Avant-hier, un de ces derniers vit un homme, portant le costume de maquignon, entrant dans une maison d'orfèvrerie située dans cette rue. L'agent entra derrière lui. Alors le faux maquignon se sentant découvert, s'enfuit..
Heureusement, deux gardiens de la paix coururent après lui et l'arrêtèrent. Il tira son couteau pour se défendre, mais on le lui arracha et on le conduisit chez M. Fouqueteau, commissaire de police, qui l'interrogea.
Le faux maquignon fit des révélations qui, permirent de mettre la main sur toute la bande, logée dans des hôtels garnis, à, Bercy."
Journal : La Lanterne : journal politique quotidien
Date de Publication : 1877-05-12
Directeur de publication : Flachon, Victor.
Source : Bibliothèque nationale de France