COMBATS D'APACHES
Rixes et meurtres. — La guerre entre deux bandes.— La population demande protection.
"Les apaches multiplient leurs exploits depuis quelques semaines ; ce ne sont que rixes, coups et blessures, souvent suivis de mort. Il y a un avantage certain à ces rencontres sanglantes, c'est de temps à autre la disparition d'un de ces redoutables bandits, mais les désavantages sont infiniment plus nombreux, car ces rôdeurs ne se servent pas seulement du couteau, le revolver joue maintenant un rôle prépondérant dans leurs batailles et les balles égarées risquent trop souvent d'aller frapper quelque paisible et tranquille promeneur.
Depuis trois jours le danger augmente; deux bandes redoutables se sont déclaré la guerre, l'une opérant à Montparnasse et l'autre à Montmartre. Partant de ces deux quartiers opposés, les bandits se cherchent pour en venir aux mains ; deux rencontres ont eu lieu depuis dimanche à Clichy et à Montmartre, un de ces prochains jours, elles se produiront inévitablement dans un quartier plus central.
La Liberté a raconté lundi la mort d'Auguste-Michel Polly, dit le « Dénicheur », repris de justice redoutable, chef d'une bande de Montmartre, tué dans un débit de vins au moment où, avec quelques amis, il fêtait sa sortie de Fresnes, où il venait de purger huit mois de prison.
Son assassin a pu prendre la fuite et actuellement est réfugié croit-on, à Bruxelles. C'est un nommé Théophile-Jean-François Le Bouté, dit « Théo » ou la « Terreur du Montparno», domicilie rue du Chemin-Vert. Cet individu, malfaiteur de profession, est le chef d'une bande de rôdeurs qui terrorise les quartiers de Montparnasse, et de Montrouge.
Les amis du « Dénicheur » ayant résolu de le venger allèrent chercher querelle avant-hier, dans un bal assez, mal fréquenté de la rue Coustou, où ils savaient rencontrer la « bande du Montparno ». Une bataille en règle fut livrée, sans que la police pût ou osât intervenir. Un rôdeur de dix-sept ans, disciple et ami de Théo, le nommé Ernest Gillet dit « Lu-luce », dit « Gargouillat », fut mortellement blessé et transporté par ses amis dans une pharmacie de la place Blanche. Un autre blessé plus légèrement atteint fut emmené par ses amis. Une seule arrestation put être opérée ; c'est celle d'un apache, errant seul sur le boulevard de Clichy, un long couteau à la main.
Ce second meurtre va encore amener des représailles. La population s'inquiète à juste titre. Que va faire la police? Il est absolument inadmissible que des bandes organisées terrorisent Paris. La police se dit impuissante par suite des scrupules exagérés ou de la mauvaise volonté de la magistrature qui relâche tous les rôdeurs arrêtés dans les rafles.
Il est des lois sur le vagabondage spécial qui peuvent être appliquées. Les Parisiens demandent à la police et aux magistrats de s'entendre, ne serait-ce que momentanément, pour assurer leur sécurité."
Title : La Liberté
Date de Publication : 1906-10-11
Directeur de publication : Muller, Charles.
Source : Bibliothèque nationale de France