Avec Manda la passion se consume aussi vite que le feu avait pris.
Lucide, Amélie se sait rongée par sa jalousie et va une nouvelle fois passer ses nerfs en allant proposer ses charmes aux bourgeois et aux dociles en oubliant parfois de rendre des comptes à ses macs. Elle le fait d’autant plus sereinement que Manda la délaisse pour ses affaires, s’absente souvent et remplit ainsi Amélie de frustration.
C'est peu ou prou dans ce contexte qu'elle fait la rencontre d’un certain Dominique Leca. L’homme, qui lui se fait appeler « Le Corse » est le chef de la bande de Popinc’. Popincourt pour Leca, Les Orteaux pour Manda, même sans Amélie entre les deux chefs de bande, la situation tout pour être explosive. Amélie quitte Manda sans mot dire.
L’histoire d’amour prend naissance dans un bouge du boulevard Voltaire. Amélie tombe sous le charme de cette force de la nature à la peau parcheminée de tatouages, reliques des campagnes d’Afrique. Amélie adore les tatouages.
Les deux se fréquentent de plus en plus assidument et Leca embrasse rapidement le rôle de protecteur pour Amélie. À ce moment-là, il est difficile d’affirmer avec certitude qu’elle continue ses activités sur le trottoir.
Tout juste huit jours après leur rencontre Manda est déjà sur leurs talons. Il faut dire qu’Amélie insiste sur le fait qu’elle a tout fait pour que l’affaire se sache. Elle voulait que Manda soit rongé par la jalousie. Elle le désirait au risque de déchaîner chez le jeune homme les pulsions les plus dangereuses. Le lendemain de l’installation de Leca et d’Amélie dans un hôtel de la rue Godefrot-Cavaignac, Manda et Le Boulanger les attendent alors qu’ils remontent le boulevard.
Manda se rue sur Leca en un éclair pour lui asséner un coup de couteau. Amélie ameute les badauds et ses cris mettent en fuite son ancien amant et son complice. Blessé, Leca ne trahit pour autant pas moins la loi du silence du "milieu" et ne dénonce pas Manda aux flics. Leca à peine relâché par les roussins, Manda ne s'arrête pas là et s'attaque à l'hôtel dans lequel Leca et Amélie ont pris une chambre. L'attaque ne fait pas de blessés, mais déclenche les hostilités entre les deux bandes. S'ensuit la baston du siècle, et à l'époque c'était pas des fausses promesses d'octogone sans règle par story Insta interposées. La date et le lieu sont fixés, ça se passera le 5 janvier 1902, sur les fortifications de Belleville.
En termes de bataille, c’est un véritable déchaînement de violence : la poudre parle, ça surine dans tous les sens. Plusieurs blessés sont à déplorer des deux côtés, les apaches se battent pour défendre leurs chefs, leurs bandes, leurs vies.
Dans Paris, l’affaire fait grand bruit. Les journalistes s’attendent à trouver un règlement de compte, une vengeance. Ils tombent sur le cul en découvrant la raison des hostilités. L’un d’entre eux, un peu plus inspiré que les autres, s’époumone dans le Petit Journal : « Ce sont là des mœurs d’Apaches, du Far West, indignes de notre civilisation. Pendant une demi-heure, en plein Paris, en plein après-midi, deux bandes rivales se sont battues pour une fille des fortifs, une blonde au haut chignon, coiffée à la chien ! »
Bim ! Le mot est lâché, il ne quittera plus jamais les bandes parisiennes. La dénomination d’apache leur collera à la peau comme leurs aspirations de liberté communes. La guerre, elle, ne fait que commencer.
KS, Wild Writer - www.passerelle-de-mots.fr
La suite : L'Histoire de Casque d'Or - Partie 4